Une pouliche pour représenter l'Alsace

 « Je suis fier de représenter pour la deuxième fois l'Alsace », confiait l'autre jour, non sans émotion, Albert Gross, habitant d'Hermerswiller (près de Soultz-sous-Forêts). La première fois, c'était il y a plus de 40 ans. Jeune footballeur prometteur, il était alors sélectionné en équipe d'Alsace, pour disputer notamment une finale nationale avec les cadets au Parc des Princes.

 « Devant 35 000 spectateurs, c'était impressionnant », se souvient Albert Gross. Après trois ans chez les amateurs du RC Strasbourg, il reviendra toutefois à la maison pour aider dans l'exploitation agricole parentale. « Mon père avait eu un problème de santé... », et il choisit la solidarité familiale avant l'ambition sportive.
 Un choix qui lui vaut aujourd'hui, à l'âge de 58 ans, de représenter à nouveau l'Alsace, mais dans un tout autre domaine. C'est l'éleveur de chevaux qui est honoré cette fois-ci.
 Une passion qui a commencé juste après l'aventure strasbourgeoise, alors qu'il contribuait à la période glorieuse du football à Betschdorf.

 Pour le remercier d'être revenu, son père lui acheta son premier cheval, une pouliche anglo-arabe du nom de Kamandah. Il faut dire « que j'avais hérité de mes parents la passion des chevaux », sourit M. Gross. Toujours est-il que ce fut le début d'une aventure qui dure depuis plus de 30 ans, maintenant.
 Tout en travaillant à l'usine, il est devenu éleveur de chevaux pour concours hippiques. Ses outils : un parc de 4 ha -avec treize boxes- et une dizaine d'hectares cultivés « pour nourrir les chevaux ».
 Depuis Kamandah, « nous en avons élevés une vingtaine », énumère Évelyne, son épouse, qui partage pleinement la passion de son mari. Le dernier de la lignée, c'est donc « Région Alsace », « la première alezan brûlé de l'élevage. Une pouliche super docile qui est déjà devenue le chouchou de l'écurie », constate l'éleveur.

 C'est elle, donc, qui a été baptisée par Adrien Zeller, lors de l'inauguration du centre technique des Haras nationaux à Pfaffenhoffen. Pour symboliser l'attachement de la Région Alsace à la filière chevaline. Le choix de cette pouliche ne s'est pas fait au hasard, même si un tirage au sort départagea les nominés, en dernier lieu.
 Non, il s'agit d'abord de la reconnaissance d'un élevage. Issue du croisement de Baladin d'amour, un étalon des haras nationaux, et d'Aurfélia d'or, une poulinière de l'écurie, la pouliche Région Alsace ne manque par de références dans le domaine hippique.
 Ainsi, pour sa dernière année de compétition, son oncle Trepolino d'Alsace, un hongre de 20 ans, vient de remporter le Master des masters avec Laurent Wagner -le cavalier de l'écurie Gross.
 Les « six places de finalistes au concours des jeunes chevaux à Fontainebleau » sont une autre satisfaction de l'éleveur, qui compte actuellement 17 chevaux -« âgés de quelques mois à 28 ans »- dans ses boxes.
 Mais sa grande fierté, c'est de « damer le pion à des propriétaires huppés, qui achètent les meilleurs chevaux en Normandie ou ailleurs ». Lui veut faire honneur à la filière régionale.

 Pour améliorer encore le niveau de son élevage, Albert Gross est toujours à la recherche d'étalons plus prestigieux. Son rêve est « d'avoir un jour un crack, qui participera à des concours hippiques internationaux. Pourquoi pas Région Alsace ? En tout cas j'y crois beaucoup ».
 Pour le vérifier, il lui faudra encore attendre. Au moins quatre ans, l'âge des premiers concours. « J'espère bien l'amener alors à Fontainebleau, à la finale des jeunes chevaux ». Sinon, « ce sera une poulinière, mais elle restera dans l'écurie », assure M Gross.
 D'ici là, l'éleveur continuera à s'investir dans « un hobby contraignant -nous passons les trois quarts des week-end en concours- mais qui apporte beaucoup de satisfactions ». Et si, actuellement, il passe toutes ses vacances à l'écurie, dans quelques semaines, il pourra y consacrer encore plus de temps : il s'apprête à prendre sa retraite. Gageons qu'elle sera hyper active !

 Bernard Stéphan